Covid-19: les jeunes Américains face à une "crise de santé mentale"


Par Laura Bonilla, AFP

NEW YORK - Anxiété, dépression, auto-mutilations, voire suicides: avec la pandémie de Covid-19, un nombre croissant de jeunes Américains souffrent de troubles mentaux. Cette situation pousse médecins, parents et éducateurs à tirer la sonnette d'alarme.

Des millions d'élèves et d'étudiants, condamnés aux cours en ligne, souvent depuis mars dernier, sont réduits à passer des heures devant l'ordinateur, privés de jeux, d'interactions en personne, de cours de sport, d'art ou de musique. "Il y a des jours où je me sens très triste, un peu désespérée. C'est comme un cauchemar sans fin," dit Sarah Frank, 18 ans, de Tampa (Floride).

Issue d'une famille très vulnérable face à la pandémie, elle ne sort quasiment plus de chez elle depuis mars. "Il y a beaucoup de solitude, pour moi et les autres adolescents", dit la lycéenne, qui a cofondé à l'été 2020 le State of Mind Project, site de soutien aux adolescents, réalisé par des adolescents.

"Je suis bon à rien"

Deanna Caputo, mère de deux enfants qui, depuis mars, suivent un enseignement 100% en ligne dans une école publique d'Arlington, en Virginie, a vu son fils de 10 ans afficher des signes croissants de dépression.

"Il se réveillait le matin et se rendormait jusqu'à midi. Il s'est mis à dire des choses comme: 'Je ne suis pas intelligent', 'Je ne sais rien', 'Je suis bon à rien'", confie cette psychologue à l'AFP. "Il prenait du retard dans ses devoirs. Il pleurait tout le temps [...] Tous les jours, il dit: 'Mes amis me manquent'".

"Pour certains enfants, c'est pire. Je n'entends parler que d'enfants sous médicaments", a-t-elle ajouté, expliquant ne pas avoir pu trouver de thérapeute pour son fils à Arlington, car la demande est trop forte.

Aucun chiffre national sur les suicides d'adolescents, en hausse aux Etats-Unis depuis 10 ans, n'est encore disponible pour 2020. Mais certains cas locaux sont frappants. Dans un comté du Nevada qui englobe Las Vegas, 19 élèves se sont suicidés depuis mars, plus du double du chiffre de 2019. S'ils ne peuvent être attribués directement à la pandémie, les autorités, sous pression, ont annoncé la réouverture prochaine des écoles.

"Crise de santé mentale"

Pour Carlos Arballo, thérapeute au collège de Lawrence de Los Angeles, 100% virtuel depuis mars, "l'anxiété et la dépression sont énormes". "Si, pour les adultes, le Covid-19 a été une crise sanitaire, pour les enfants, c'est une crise de santé mentale", explique Susan Duffy, professeure de pédiatrie et de médecine d'urgence à l'université Brown.

Selon les centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC), les visites de jeunes de 12 à 17 ans aux urgences psychiatriques ont augmenté de 31% entre mars et octobre 2020, par rapport à la même période de 2019, tandis que celles des jeunes de 5 à 11 ans augmentaient de 24%.

Susan Duffy en fait l'expérience directement dans l'hôpital de l'Etat de Rhode Island, où elle travaille. Comme nombre de ses collègues à travers les États-Unis d'Amérique, dit-elle, elle observe "une augmentation des chiffres des tentatives de suicide".

"Nous voyons plus d'enfants qui veulent s'infliger des blessures, assimilable à des tentatives de suicide, ce qui est très, très inquiétant", dit-elle.

Bras-de-fer avec les syndicats

Devant toutes ces données inquiétantes, la bataille pour la réouverture des écoles fait rage. Les élèves sont "sans professeurs ou adultes bienveillants extérieurs au cercle familial, qui sont souvent ceux qui détectent des signes subtils de crise, de dépression, d'anxiété", souligne Mme Duffy.

Aux États-Unis, l'ouverture des établissements dépend de chaque district scolaire. Actuellement, 38% des écoles américaines ne proposent que de l'enseignement en ligne, contre 62% en septembre, selon le site Burbio qui suit les réouvertures d'écoles.

À la fin janvier, un rapport des CDC a encouragé les réouvertures, en soulignant que les écoles observant distanciation physique, port du masque et autres précautions sanitaires n'avaient pas constaté de propagation rapide du coronavirus en leur sein.

Mais les syndicats d'enseignants, inquiets de la contagion, résistent. Comme à Chicago, où mairie et syndicats ont engagé un bras-de-fer avec menace de grève, ou à Los Angeles, où les syndicats réclament que tous les enseignants soient vaccinés avant de rouvrir.

Le 09 février 2021. Sources : Keystone-ATS. Crédits photos: Adobe Stock, Pixabay ou Pharmanetis Sàrl (Creapharma.ch).

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