Un système d'annonce pour contrer les pénuries de médicaments


BERNE - Les annonces de pénuries de médicaments provoquent régulièrement l'inquiétude. Une éventuelle solution au problème se dessine: les entreprises pharmaceutiques devraient être obligées d'annoncer les possibles carences. Cette option intéresse la Confédération.

Enea Martinelli, de l'Association suisse des pharmaciens de l'administration et des hôpitaux, a évoqué ce système d'alerte lors d'une réunion d'experts à Berne. L'idée vient des Etats-Unis: si une pénurie se profile pour certains médicaments, la branche pharmaceutique est tenue de la signaler sur une plateforme neutre.

Du temps pour réagir

Le principe est de donner assez de temps à l'industrie, aux autorités et aux hôpitaux pour réagir au problème d'approvisionnement. "On peut ainsi avertir un autre fabricant afin qu'il augmente sa production", a dit à l'ats M.Martinelli.

S'il n'y a qu'un producteur, l'Institut des produits thérapeutiques Swissmedic pourrait réagir par un assouplissement des règles d'importation. Les pharmacies des hôpitaux ont également besoin d'une longueur d'avance pour trouver une alternative lors de pénuries, poursuit M.Martinelli.

L'idée intéresse les offices fédéraux. "Nous en avons discuté et pensons qu'il s'agit d'un pas judicieux", a annoncé Stefan Mühlebach, chef du secteur produits thérapeutiques auprès de l'Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays. Aux Etats-Unis, ce système d'annonce a débouché sur une nette réduction des carences.

Toutes les questions ne sont toutefois pas encore clarifiées. Selon M.Mühlebach, c'est avant tout la protection de données sensibles qui pose problème aux entreprises, par exemple lorsque celles-ci doivent rendre publics des problèmes de production.

Au législateur d'agir

Enea Martinelli renvoie là encore aux expériences faites aux Etats-Unis, où une agence neutre sert de plateforme d'alerte et qui relaie les informations. "Si des pénuries menacent, certains aspects du secret d'affaires doivent pouvoir être levés", estime-t-il. Il appartient au législateur de réagir.

Or la carence de médicaments ne préoccupe pas vraiment le Parlement fédéral. Le conseiller national Jean-François Steiert (PS/FR) a rappelé, lors de la réunion d'experts, que peu de motions ont été déposées à ce sujet jusqu'ici. Encore moins ont fait l'objet d'une réponse.

Une interpellation de la conseillère aux Etats Pascale Bruderer (PS/AG) à propos de l'utilisation des médicaments "off label" (hors étiquette) en fait partie. Le recours aux médicaments disponibles en dehors de l'agréation est utilisé en particulier lors de problèmes d'approvisionnement dans les thérapies du cancer.

Si ce scénario n'est pas possible, les pharmaciens d'hôpitaux doivent souvent faire jouer leur talent d'improvisation et leur fantaisie, raconte M.Martinelli. Mais l'effort est considérable, ce que confirme aussi M. Mühlebach.

Cas toujours plus fréquents

Selon M. Martinelli, les pénuries de certains médicaments surgissent régulièrement depuis des décennies. Ces dernières années, les cas se sont toutefois multipliés et ils durent toujours plus longtemps. Des stocks plus importants ne sont pas toujours la bonne solution, car les problèmes interviennent à chaque fois dans d'autres groupes de médicaments.

Les raisons de ces pénuries sont les marges en baisse pour les génériques, des stocks réduits ou des ordonnances plus strictes dans la production. Selon des informations de l'ats, des traitements du cancer ont déjà dû être reportés en Suisse. Aucun décès ne serait toutefois imputable à cette pratique.

Selon l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), les autorités travaillent au problème, qui concerne aussi d'autres pays. Les efforts se concentrent sur un meilleur échange d'information entre producteurs et preneurs. D'autres propositions évoquent des pressions internationales sur l'industrie pharmaceutique ou un producteur propre à la Confédération pour certains médicaments.


ATS, 23 août 2012

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