Vente de médicaments à l'unité : une solution qui laisse sceptique


Par Sereina Donatsch, ats

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BERNE - Alors que les coûts de la santé et les primes d'assurance-maladie ne cessent d'augmenter en Suisse, le gouvernement français envisage d'introduire dans ses pharmacies la vente de médicaments à l'unité. Salué par les consommateurs, un tel projet semble difficilement envisageable en Suisse en raison des dépenses qu'il engendrerait, ainsi que de contraintes pratiques et législatives.

"La vente de médicaments à l'unité est un concept à mon avis très intéressant, ce serait une première réponse pour mettre fin au gaspillage", estime Mathieu Fleury, secrétaire général de la Fédération romande des consommateurs (FRC), interrogé par l'ats.

En 2012, quelque 2500 tonnes de médicaments non utilisés sont en effet parties en fumée en Suisse, selon l'Office fédéral de l'environnement (OFEV), soit un tiers des médicaments vendus par année.

Un système de vente à l'unité et non plus à l'emballage, permettrait aussi d'économiser, "car un conditionnement qui correspond strictement aux besoins serait mis en place. Le médecin écrit une ordonnance tout aussi précise que maintenant et le pharmacien remet au patient le nombre exact de pilules prescrit", analyse M. Fleury.

Changement de loi nécessaire

Le problème, c'est qu'en Suisse "seuls les médicaments autorisés par Swissmedic peuvent être mis en circulation, c'est-à-dire seulement dans leur emballage original et munis d'une notice validée rédigée dans les trois langues", explique Stéphanie Rohrer, porte-parole de pharmaSuisse. C'est donc aussi la loi qu'il faudrait changer.

Les autorités suisses exigent déjà de l'industrie pharmaceutique de petits emballages adaptés au traitement, rappelle pour sa part Martin Rubeli, porte-parole de l'Association des entreprises pharmaceutiques en Suisse.

"Les pharmaciens ont conclu un accord avec les assureurs-maladie qui stipule que chaque nouveau traitement doit être commencé avec l'emballage le plus petit, même si le médecin en prescrit un plus grand", renchérit Stéphanie Rohrer.

Un demi-milliard à la poubelle

Mais est-ce suffisant ? Chaque année des médicaments non utilisés pour une valeur de 500 millions de francs sont jetés à la poubelle, d'après santésuisse, l'organisation faîtière des caisses maladie. Or, les médicaments représentent environ 9% des coûts du système de santé et 22% des coûts de l'assurance-maladie, indique l'Observatoire suisse de la santé dans son rapport publié en 2009.

"La vente de médicaments à l'unité permettrait peut-être de réduire les coûts. Mais comment calculer les coûts supplémentaires, pour préparer les emballages avec la quantité exacte ?", s'interroge Gert Printzen, médecin responsable du laboratoire central de l'Hôpital cantonal de Lucerne.

Membre de la commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats, Urs Schwaller (PDC/FR) s'interroge lui aussi sur "les coûts engendrés" par une telle mesure. Il relève en outre que les médicaments doivent être identifiables et qu'il faut contrôler leur provenance. "Cela risque de poser des problèmes de traçabilité, voire de sécurité", estime-t-il.

"Un tel système peut être une bonne solution, mais a priori, j'ai des doutes. Je ne suis pas sûr que les pharmacies aient les possibilités de mettre un tel système en place", analyse encore le démocrate-chrétien. Cette solution pose selon lui, des problèmes de faisabilité et complique les tâches des pharmaciens.

"Pas juste des vendeurs de pilules"

"Pour le médecin, cela ne change rien, son ordonnance précise déjà le nombre de pilules nécessaire. Ce seront des tâches en plus pour nous", abonde une pharmacienne d'un Sun Store à Lausanne. "Si on augmente mon salaire, je veux bien!", plaisante sa collègue.

"C'est toute une façon de travailler à réinventer", concède Mathieu Fleury. Les pharmaciens devront en effet extraire les comprimés des emballages pour les remettre à leurs clients dans un nouveau conditionnement, avec notamment le nom du produit et la notice explicative.

Le pharmacien ne risque-t-il pas de se tromper ? D'être surchargé de travail ? "Le métier de pharmacien serait revalorisé. Ce ne sont pas juste des vendeurs de pilules, mais des professionnels de la santé", estime M. Fleury.


ATS, 01 décembre 2013

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