E-commerce de vente de médicaments sur ordonnance, l’union fait la force


NEW YORKAutant en Suisse qu’aux Etats-Unis la vente de médicaments (Rx) sur Internet semble intéresser les entreprises, en particulier les grands acteurs du secteur. En Suisse, l’entrepreneur genevois Daniel Mori à la tête de Visilab a annoncé dans les médias il y a quelques semaines son envie de se lancer dans la vente de médicaments sur Internet dès mars 2018 (dans un premier temps des produits de droguerie, c'est-à-dire qui ne sont pas sur ordonnance). Aux Etats-Unis, plusieurs sources indiquent que le géant Amazon.com Inc. pourrait se lancer dans la vente de médicaments sur ordonnance ces prochains mois. Mais dans les 2 cas, ces entreprises ne se lanceront pas seules.

Suisse vs Etats-Unis

Comparer la Suisse avec ses 8 millions d’habitants et son petit territoire avec les Etats-Unis et ses 330 millions d'habitants ne fait pas toujours sens (on ferait souvent mieux de comparer la Suisse à un état américain). Mais dans le cas du e-commerce et de la pharmacie la comparaison peut faire sens. En effet, ces 2 pays sont souvent cités parmi les plus riches du monde et les plus libéraux. Pour ce dernier point cela signifie qu’à la différence de certains pays du sud/est de l’Europe, d’Asie ou d’Amérique latine les Etats-Unis et la Suisse ont un terrain libéral facilitant le développement de business risqués et ambitieux comme l’e-commerce de médicaments sur ordonnance. Sans situation favorable au niveau économique et politique, les chances de succès sont très basses. De plus, la Suisse et les Etats-Unis ont un système basé en grande partie sur des assureurs privés qui remboursent une partie importante des médicaments. Relevons toutefois que le système américain de santé est plus complexe que le système suisse car il repose sur un système d’assurances liés aux entreprises, aux assurances privées ou encore aux assurances publiques comme Medicare ou Medicaid avec encore des systèmes de coupon (réduction sur certains médicaments). C’est pour cela que le géant et peut-être l’entreprise la plus puissante au monde Amazon.com Inc. tarde à se lancer sérieusement sur ce marché pourtant très lucratif. Finalement, aux Etats-Unis mais en Suisse aussi dans une moindre mesure, les médicaments sont chers en comparaison internationale y compris avec des pays considérés comme riches comme l'Allemagne. 

Amazon

Selon un article du Wall Street Journal (WSJ) publié le lundi 30 octobre 2017, Amazon serait en train d'étudier sérieusement la vente de médicaments sur internet mais avec une certaine prudence. Ce marché qui représente 412 milliards de dollars par année (par comparaison plus de la moitié de tout le PIB suisse) aux Etats-Unis s’avère forcément intéressant pour le géant de Seattle et son patron Jeff Bezos, redevenu fin octobre 2017 l’homme le plus riche du monde devant Bill Gates avec plus de 90 milliards de dollars de fortune.

Chaque année aux Etats-Unis, les pharmacies traitent 4,5 milliards d’ordonnances, soit plus de 10 ordonnances par habitant. Le WSJ estime que 9 ordonnances sur 10 sont délivrées en pharmacie d’officine (pas hôpital). Avec la puissance de frappe de 2 grandes chaînes de pharmacies aux Etats-Unis (CVS et Walgreens), les Américains pourraient être intéressés à voir un 3ème grand acteur comme Amazon capable peut-être d'abaisser les prix des médicaments. 

Plusieurs défis  

Amazon est habitué à recevoir un payement d’une seule personne ou entreprise notamment par carte de crédit. Avec l’e-commerce de médicaments sur ordonnance, il faudra introduire dans le système une tierce personne (dans ce cas l’assureur privé ou publique). C’est donc un défi important à relever d’avoir un système capable de recevoir l’argent du client/patient et de l’assureur. Un autre problème est qu’aux Etats-Unis les pharmacies sont régulées au niveau des états, ce qui complique encore plus les affaires d'Amazon. 

Partenaire

Même si ce n’est qu’une hypothèse, le WSJ qui a interrogé des spécialistes en économie estime que si Amazon se lance dans la vente de médicaments sur ordonnance sur Internet elle le fera avec une autre entreprise ou organisation capable notamment de facturer aux assureurs ces médicaments (si c'était en Suisse ce serait par exemple OFAC ou IFAK). Il est probablement trop risqué de partir seul dans une telle aventure, même pour un "monstre" comme Amazon. 

Et en Suisse ?

En Suisse aussi les lignes semblent bouger. Zur Rose (côté en bourse) est ou aimerait être un acteur important de ce marché, mais à ce qu’on peut lire sur leur site internet (au 31 octobre 2017) la commande de médicaments en liste A, B et C avec livraison par Internet semble compliquée voire impossible suite à une décision de justice. Un retrait dans leur pharmacie physique à Berne est toutefois possible. Le groupe Galenica a aussi des sites de e-commerce (amavita.ch, sunstore.ch) mais semble lui aussi plus se tourner vers les produits de droguerie qui ne sont pas en liste A, B et C. La situation pour Galenica est plus simple en terme juridique que Zur Rose, car elle dispose de centaines de points de vente en Suisse et le client peut théoriquement commander sur Internet et venir retirer physiquement les médicaments dans l'une des pharmacies de Galenica. Si on comprend bien la décision judiciaire du Tribunal Fédéral à Lausanne, la vente de médicaments sur ordonnance (listes A et B) ou en liste C sur Internet est possible, mais seulement si elle reliée à une pharmacie physique. Autrement dit, dans ce cas le site Internet agit presque comme un téléphone ou un formulaire de contact sans avoir une énorme valeur ajoutée pour le client (ex. prix plus bas, livraison rapide et dans toute la Suisse). Cet état de fait semble pour le moment plutôt favoriser les pharmacies indépendantes et moins les grandes sociétés qui cherchent des économies d'échelle (scaling) sur tout le territoire national, avec comme objectif de créer une grande plateforme si possible leader du marché (le concept de la Silicon Valley : "first takes all", en français : Le premier ramasse la mise). 

Finalement, l’entrepreneur genevois  Daniel Mori à la tête de Visilab a annoncé dans les médias qu’il allait lancer en mars 2018 un site de e-commerce avec un partenaire important. Pour le moment, nous ignorons le nom de cette entreprise partenaire. (Pharmapro a publié une news à ce sujet en allemand de l’ATS). Tout indique que la stratégie de M. Mori soit correcte en ne se lançant pas seul dans cette aventure à haut risque mais probablement aussi très lucrative en cas de succès. 

Mis à jour le 1er novembre 2017. Par Xavier Gruffat (pharmacien dipl. EPFZ, MBA). Sources : The Wall Street Journal, ATS (SDA).
Crédit photo : Fotolia.com 

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