La juste vitesse de dégradation de l'ARN messager (étude)
BERNE - Une équipe internationale avec participation de l'Université de Berne a identifié un mécanisme qui contrôle la stabilité de l'ARN messager dans les cellules. Des tumeurs peuvent se développer plus rapidement si ce mécanisme est perturbé, selon ces travaux publiés dans la revue Cell.
Chaque cellule contient des milliers de protéines, chacune remplissant une fonction spécifique, a indiqué vendredi l'alma mater bernoise dans un communiqué. Pour produire une protéine, il faut d'abord traduire un gène en ce qu'on appelle l'ARN messager (ARNm), qui sert ensuite de plan de construction pour la production de la protéine par les ribosomes, les "usines à protéines".
Toutefois, des modifications peuvent se produire naturellement dans l'ARN et influencer la stabilité du plan de construction des protéines. Des modifications de l'ARN ont toujours été observées dans le cancer ou les maladies neurodégénératives. Néanmoins, on ne savait pas jusqu'à présent comment cela était lié à l'apparition de ces maladies.
Une équipe co-dirigée par Sebastian Leidel, du Département de chimie, biochimie et pharmacie de l'Université de Berne, en collaboration avec des scientifiques de l'Université de Stanford (Etats-Unis) et de l'European Molecular Biology Laboratory (EMBL), a désormais acquis de nouvelles connaissances sur cette question.
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Mécanisme inconnu
L'étude dévoile un mécanisme jusqu'alors inconnu, dans lequel l'interaction de deux modifications d'ARN pendant la production de protéines contrôle la dégradation de l'ARNm.
La modification la plus fréquente de l'ARNm est la N6-méthyladénosine - en abrégé m6A - qui fait l'objet de plus de 2500 études scientifiques par an. La principale fonction de m6A est de contrôler la rapidité avec laquelle l'ARNm est dégradé. Bien que ce rôle soit indiscutable, le mécanisme sous-jacent était inconnu.
Les scientifiques bernois ont découvert que les ribosomes, qui produisent les protéines, "trébuchent" et "s'entrechoquent" sur la modification m6A lors de la lecture de l'ARNm. Les ribosomes déclenchent ainsi une dégradation accélérée de l'ARNm.
"Nous pouvons mesurer la vitesse à laquelle les ribosomes lisent l'ARNm pour assembler les protéines. A notre grande surprise, nous avons vu que les ribosomes ont des difficultés à lire la modification m6A sur l'ARNm", explique le Pr Leidel, auteur principal de l'étude, cité dans le communiqué.
La juste vitesse
Les scientifiques ont ensuite inclus les ARN dits de transfert (ARNt) dans leur étude. Les ARNt jouent un rôle important dans la traduction d'un ARNm en protéine et sont eux-mêmes chimiquement modifiés. Ils ont constaté que les cellules utilisent l'interaction d'une modification de l'ARNm avec une modification de l'ARNt pour ajuster très précisément la vitesse à laquelle l'ARNm est dégradé.
Cette vitesse de dégradation est particulièrement importante étant donné que trop ou trop peu d'activité génétique peut conduire à la maladie. Selon les auteurs en effet, dans presque tous les types de cancer, le rapport entre la signature chimique particulière de l'ARNt et l'ARNm6 était perturbé.
"Plus les ARNt étaient modifiés par rapport à l'ARNm, plus les pronostics étaient défavorables pour les patients et les patientes", conclut le Pr Leidel. Ces nouvelles connaissances pourraient contribuer au développement de nouveaux traitements contre le cancer.
Le 9 mai 2025. Sources : Keystone-ATS. Crédits photos: Adobe Stock, Pixabay ou Pharmanetis Sàrl (Creapharma.ch).