Le rôle des lipides dans la maladie d'Alzheimer mieux compris
GENEVE - Un consortium européen coordonné par l’Université de Genève (UNIGE) a découvert comment une mutation d'une protéine provoque une accumulation de lipides délétères pour les neurones, contribuant au développement de la maladie d’Alzheimer. Ces résultats sont publiés dans la revue Cell Reports.
Dans le cerveau, les neurones coexistent avec de nombreux autres types de cellules dont ils dépendent pour fonctionner correctement. Les astrocytes, qui tirent leur nom de leur forme étoilée, assurent la survie des neurones en les nourrissant et en les détoxifiant, a indiqué le 1er mars 2022 l'UNIGE dans un communiqué.
Les astrocytes sécrètent en effet l’apolipoprotéine E, ou APOE, une petite protéine qui forme des particules contenant des lipides et des vitamines pour assurer l’alimentation des neurones. Celle-ci assure également leur détoxification, en les débarrassant de leurs déchets lipidiques qui peuvent devenir nocifs s’ils ne sont pas retirés.
Le gène codant pour APOE existe en trois variants fréquents chez l’être humain: APOE2, présent dans 8% de la population, APOE3, le plus fréquent, et enfin APOE4, que l’on retrouve chez près de 15% des gens et qui multiplie par dix le risque de développer la maladie d’Alzheimer.
"Les raisons pour lesquelles APOE4 augmente de manière si importante le risque d’Alzheimer ne sont pas bien comprises", explique Anne-Claude Gavin, professeure ordinaire à la Faculté de médecine de l’UNIGE, qui a dirigé ces travaux avec Viktor Lakics, de l’entreprise pharmaceutique AbbVie.
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Une protéine trop efficace
L’équipe a identifié certains mécanismes qui expliquent comment APOE se lie aux membranes des astrocytes pour y détecter et en extraire les lipides dont elle a besoin. Des expériences in vitro sur des lignées cellulaires humaines porteuses des différents variants d’APOE ont montré que cette protéine est extrêmement efficace pour transporter les lipides potentiellement nocifs produits dans les neurones.
"A notre grande surprise, APOE4 s’est avérée encore plus efficace que les autres formes de la protéine", note Katharina Beckenbauer, co-première auteure de l'étude, citée dans le communiqué.
"Contrairement à ce que l’on pensait jusqu’ici, le problème n’est pas qu’APOE4 cesse de fonctionner mais l’inverse : le mécanisme s’emballe", selon la chercheuse. Lorsque les astrocytes vieillissent, ils deviennent moins efficaces et se mettent à accumuler les lipides plutôt que de les détruire.
"Nous avons observé que le vieillissement cellulaire détournait APOE de sa fonction première - le transport de lipides vers les neurones et la récupération des déchets lipidiques - vers la sécrétion de triglycérides, un type particulier de lipides qui peuvent devenir néfastes s’ils ne sont pas détruits", précise Karina Lindner, doctorante dans le laboratoire d’Anne-Claude Gavin et co-première auteure de ces travaux.
Phénomène exacerbé
Et ce phénomène est exacerbé avec APOE4 : elle stimule la sécrétion de triglycérides, entraînant leur accumulation incontrôlée. Cette accumulation pourrait ainsi grandement contribuer à la mort neuronale, une caractéristique de la maladie d’Alzheimer. APOE4 présenterait ainsi la capacité d’accélérer la maladie.
Afin de mieux comprendre les détails de l’action d’APOE et surtout de son variant E4, les scientifiques veulent maintenant déterminer comment la sécrétion de ces lipides potentiellement nocifs est régulée et si cette sécrétion peut être détectée chez des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer.
Des scientifiques du Laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL) et de l’Université de Zurich ont également contribué à cette recherche.
Le 1er mars 2022. Sources : Keystone-ATS. Crédits photos: Adobe Stock, Pixabay ou Pharmanetis Sàrl (Creapharma.ch).