Les primes d'assurance maladie devraient presque doubler d'ici à 2040
ZURICH - Le système de santé suisse apporte une contribution importante à l'emploi et à la prospérité en Suisse. Les dépenses de santé annuelles se montent à près de 70 milliards de francs suisses et un emploi sur dix se trouve dans ce secteur. Parallèlement, en raison de la forte augmentation des coûts, la santé est confrontée à de grands défis et son évolution sera déterminante pour l'avenir économique de la Suisse. Dans la nouvelle édition du «Moniteur Suisse», les économistes du Credit Suisse passent donc au crible le système de santé helvétique et les questions les plus brûlantes. En outre, cette étude montre que le financement du boom de la construction d'hôpitaux n'est que partiellement assuré et que l'économie du partage gagne toujours plus en importance également dans le secteur de la santé grâce aux centres médicaux. Les économistes du Credit Suisse maintiennent leurs prévisions de croissance pour l'économie suisse à 1,5% pour 2017. Quant à l'inflation, elle devrait à nouveau être positive cette année, à 0,5%.
Le système de santé apporte une importante contribution à l'emploi et à la prospérité en Suisse. Quelque 70 milliards de francs suisses, soit plus de 10% de la performance économique annuelle, y sont dépensés chaque année pour la santé, et une personne sur dix travaille dans ce domaine. L'évolution de ce secteur sera donc déterminante pour l'avenir économique de la Suisse. Or la progression des coûts observée au cours des dernières années constitue un défi de taille: les dépenses de santé à l'échelle nationale ont augmenté de plus d'un tiers en l'espace de dix ans. Les économistes du Credit Suisse mettent en évidence dans leur analyse que contrairement à l'hypothèse largement répandue, ce n'est pas le vieillissement démographique qui en est le principal responsable, mais des facteurs tels que le progrès médical, une augmentation de la consommation individuelle et des incitations inopportunes liées au système. C'est à des raisons indépendantes de la démographie qu'est imputable un peu plus de la moitié de la hausse des coûts. On peut donc partir du principe que cette évolution se poursuivra également ces deux prochaines décennies.
Les primes d'assurance maladie devraient presque doubler d'ici à 2040 et le manque de main-d'œuvre qualifiée s'accentuer
Selon les économistes du Credit Suisse, les dépenses de santé sont susceptibles d'augmenter de plus de 3% par an jusqu'en 2040. Elles devraient alors représenter près de 15% de la performance économique de la Suisse, contre 11% aujourd'hui. «Dans ce scénario, les primes d'assurance maladie moyennes par habitant vont presque doubler», explique Andreas Christen, auteur principal de l'étude. La prime mensuelle moyenne de l'assurance-maladie obligatoire pourrait ainsi passer de 274 CHF en 2015 à 517 CHF en 2040, ce qui correspondrait à une hausse de 44% une fois les chiffres corrigés de l'inflation générale. La progression des coûts s'accompagne d'un accroissement des besoins en main-d'œuvre spécialisée. Les économistes du Credit Suisse estiment que 185 000 emplois à plein temps supplémentaires seront créés dans le secteur de la santé d'ici à 2040, soit une hausse de près de 50% par rapport aux 360 000 postes actuels. Ce chiffre est toutefois susceptible de changer s'il est possible de relever le degré d'automatisation : d'après les calculs des auteurs de l'étude, près de 23% des activités considérées comme routinières pourraient être automatisées, du moins en théorie, dans le cadre de la numérisation croissante notamment. Si l'on parvenait à une automatisation complète de ces tâches, les besoins en main-d'œuvre qualifiée se limiteraient à 67 000 emplois supplémentaires jusqu'en 2040. Néanmoins, une exploitation totale du potentiel théorique d'automatisation ne semble pas réaliste aux auteurs de l'étude.
Sans nouveaux fonds publics, certains investissements hospitaliers ne pourront pas être financés
D'après des sources officielles actuellement disponibles, il est prévu de construire des hôpitaux à hauteur de quelque 16 milliards de francs en Suisse. Bon nombre des bâtiments actuels ont été érigés dans les années 1960, 1970 ou 1980 et nécessitent des assainissements. Il y a donc un retard en matière d'investissements. Toutefois, d'aucuns craignent, dans les débats publics, que le boom de la construction n'engendre des surcapacités et des lacunes de financement. Certes, les économistes du Credit Suisse montrent que le nombre de patients traités de façon stationnaire devrait progresser de 25% d'ici à 2030 dans toute la Suisse, ce qui accroîtra les besoins en infrastructures hospitalières, mais l'augmentation des lits supplémentaires à l'échelle nationale devrait être limitée étant donné la réduction de la durée des séjours, le transfert de soins vers le secteur ambulatoire et un meilleur taux d'occupation des lits.
Une partie importante des montants d'investissement prévus pour les bâtiments hospitaliers n'est pas encore garantie. «Actuellement, environ un quart seulement des hôpitaux dégage un bénéfice suffisant pour leur permettre de financer durablement leurs infrastructures», précise Andreas Christen. Mais il n'estime pas pour autant que ce facteur devrait obliger un grand nombre d'hôpitaux à fermer leurs portes à long terme. Au contraire, certains cantons - contrairement à l'intention de la réforme du financement des hôpitaux entrée en vigueur en 2012 - devraient intervenir pour soutenir le marché.
C'est pour cette raison, mais aussi au regard de la hausse des coûts dans le secteur de la santé, qu'il est de plus en plus important de trouver de nouvelles sources de financement. «Dans le cas des hôpitaux publics par exemple, un financement par le biais des marchés financiers est intéressant étant donné la faiblesse des taux d'intérêt, explique Didier Denat, responsable Corporate & Investment Banking du Credit Suisse en Suisse. Ce procédé pourrait contribuer à accroître la transparence financière et, partant, l'efficacité dans le secteur de la santé».
Centres médicaux : les synergies permettent d'augmenter leur rentabilité
Selon les économistes du Credit Suisse, l'un des domaines les plus dynamiques du secteur de la santé est celui des centres médicaux. Ces derniers constituent une alternative attrayante aux cabinets individuels traditionnels aussi bien pour les patients que pour de nombreux médecins. Les patients profitent par exemple d'heures d'ouverture plus longues et les praticiens d'horaires de travail plus flexibles, tandis que les appareils médicaux sont mieux exploités. D'après les calculs des économistes du Credit Suisse, le nombre de maisons médicales a augmenté de 19% entre 2011 et 2014, s'établissant à 1300. En termes absolus, la croissance par rapport au parc initial a été la plus forte dans les centres urbains, mais surtout dans les zones suburbaines et périphériques. Selon les auteurs de l'étude, ce phénomène serait dû au fait que ces maisons médicales sont déjà relativement nombreuses dans les centres et que le regroupement de cabinets s'y trouve à un stade avancé. Globalement, ces établissements continueront de se multiplier étant donné que bon nombre de médecins âgés prendront leur retraite dans les années à venir et que leurs jeunes collègues affichent une nette préférence pour les regroupements de cabinets.
Le 20 mars 2017. Source : communiqué de presse du Credit Suisse