Une thérapie génique offre un nouvel espoir pour les enfants sourds


WASHINGTON - Appeler "maman" et "papa", nommer les couleurs: Zhu Yangyang parle aujourd'hui comme un enfant de trois ans, une prouesse, alors qu'il était complètement sourd il y a encore quelques mois. Il fait partie des cinq enfants qui ont pu entendre pour la première fois grâce à une thérapie génique révolutionnaire.

Cet essai clinique mené par des chercheurs chinois et américains représente un nouvel espoir pour ces enfants nés avec une mutation génétique rare. La mère de Zhu Yangyang, Chang Yiyi, a avoué avoir été émue aux larmes quand elle a réalisé, trois mois après le traitement, que son enfant pouvait l'entendre frapper à la porte.

"Je me suis cachée dans un placard, je l'ai appelé et il m'a répondu!", a-t-elle expliqué à l'AFP lors d'un entretien depuis Shanghai.

Cette étude, publiée le 5 juin 2024 dans la revue Nature Medicine (DOI : 10.1038/s41591-024-03023-5), décrit les résultats de la première fois qu'une telle procédure de thérapie génique est appliquée sur les deux oreilles. Comparée au traitement sur une seule, cette procédure a permis d'améliorer la perception du langage et la capacité de retrouver la source d'un son.

"C'est un tournant décisif", a expliqué à l'AFP Zheng-Yi Chen, chercheur aux laboratoires Eaton-Peabody et en charge de l'étude, ajoutant que des entreprises conduisent désormais des études cliniques, dont deux à Boston, pour aller vers une autorisation réglementaire du traitement.

"Si les résultats se maintiennent, sans aucune complication, je pense que dans trois à cinq ans, la procédure pourrait être approuvée", a-t-il ajouté.


Une mutation rare

Environ 26 millions de personnes ont une forme génétique de surdité dans le monde, en France environ 1000 bébés sont diagnostiqués chaque année, selon Le Figaro. Cette thérapie génique se concentre elle sur une mutation qui concerne entre 2 à 8 % de ces cas.

Ces patients sont incapables de produire l'otoferline, une protéine indispensable aux cellules ciliées de l'oreille interne pour convertir les vibrations sonores en signaux chimiques envoyés au cerveau. La procédure consiste à injecter un virus modifié innoffensif dans l'oreille interne pour inverser la mutation défectueuse. Le virus va ainsi pénétrer les cellules dont le fonctionnement est alteré pour délivrer un gène intègre, comme le résume bien Le Figaro.

Quand ils ont réalisé que Zhu Yangyang pouvait entendre pour la première fois, "toute la famille a pleuré", dont sa mère et sa grand-mère, a affirmé Yilai Shu, un des auteurs de l'étude et chercheur à l'hôpital de l'université de Fudan à Shanghai.

Sa mère, une femme au foyer de 26 ans, a également ajouté que s'occuper de son fils a été plus facile depuis qu'il a commencé à parler et la famille espère le transférer d'une école spécialisée à une école maternelle traditionnelle.

Nouveaux défis

Yilai Shu avait déjà mené une équipe de recherche à l'origine, en 2022, de la première thérapie génique de ce type, ouvrant la voie à un traitement aujourd'hui administré à plusieurs enfants dans le monde, comme aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne.

Soigner les deux oreilles a posé de nouveaux problèmes, a-t-il avoué à l'AFP, car doubler les procédures chirurgicales augmentait les risques d'effets secondaires. Mais seul des effets secondaires légers ou modérés, comme de la fièvre, des vomissements ou une faible augmentation des globules blancs, ont été observés.

Les cinq enfants, entre 1 et 11 ans, ont fait de grands progrès. Deux d'entre eux ont pu apprécier de la musique - un signal acoustique plus difficile à percevoir - et ont même dansé, selon des vidéos enregistrées pour l'étude.

De manière surprenante, même l'enfant de 11 ans a réussi à mieux comprendre le langage et à parler, alors que l'on pensait qu'il était trop tard pour le cerveau d'acquérir cette capacité sans n'avoir jamais perçu de sons auparavant.

"Cela montre que le cerveau a une plasticité qui dure peut-être plus longtemps que ce que nous pensions au départ", a expliqué Zheng-Yi Chen. L'étude se poursuit et les patients feront l'objet d'un suivi à long terme.

En attendant, les deux chercheurs ont annoncé avoir lancé des essais cliniques sur les animaux pour développer des traitements contre d'autres causes de surdité génétique, dont celle liée au gène à l'origine de la plus courante surdité à la naissance.

Le 8 juin 2024 (mise à jour). Sources : Keystone-ATS, Le Figaro (édition du samedi 8 juin 2024). Supervision : Xavier Gruffat. Référence étude : Nature Medicine (DOI : 10.1038/s41591-024-03023-5)
Crédits photos: Adobe Stock, Pixabay ou Pharmanetis Sàrl (Creapharma.ch).

Les dernières news

Inscrivez-vous à notre newsletter gratuite du vendredi