L'assurance-maladie plombe le moral des travailleurs frontaliers
Eclairage Description
 GENEVE - Les travailleurs frontaliers ont le moral en berne. Dès juin prochain, ils ne pourront plus se tourner vers des assurances-maladie privées pour se faire rembourser leurs frais de santé. Cette décision imposée par Paris provoque l'émoi dans la région genevoise.
GENEVE - Les travailleurs frontaliers ont le moral en berne. Dès juin prochain, ils ne pourront plus se tourner vers des assurances-maladie privées pour se faire rembourser leurs frais de santé. Cette décision imposée par Paris provoque l'émoi dans la région genevoise.
Jusqu'à présent, les frontaliers résidant en France et travaillant en Suisse, qui avaient choisi d'être assurés en France, pouvaient soit opter pour la Sécurité sociale française, soit pour une assurance privée, moins onéreuse et leur permettant le plus souvent de se faire soigner en France et en Suisse.
Le 1er juin 2014, ils n'auront plus d'autres possibilités que de s'affilier à la Sécurité sociale (Sécu). Non seulement ils devront débourser plus pour leur assurance santé, mais ils devront aussi faire une croix sur des soins en Suisse, à moins de souscrire une ruineuse assurance complémentaire.
20'000 personnes concernées
"Selon un sondage réalisé auprès de nos membres, environ 20% des frontaliers se font soigner en Suisse", a indiqué le secrétaire général du Groupement transfrontalier européen (GTE), Jean-François Besson, soit quelque 20'000 personnes. Ce chiffre comprend aussi bien des frontaliers français que suisses.
Le changement de système en France va avoir des répercussions des deux côtés de la frontière. En Suisse, les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) ont calculé qu'ils risquent de perdre 25 millions de francs par an à cause des personnes qui ne viendront plus chez eux ou qui ne pourront tout simplement plus se le permettre.
"En 2011, les patients domiciliés à l'étranger représentaient 4000 séjours, soit un peu plus de 7% du total", a déclaré Karine Martinez, responsable des affaires extérieures des HUG. Un groupe de travail a été mis en place à l'hôpital afin de réfléchir aux stratégies qui pourraient s'inscrire dans une politique régionale.
Pierre-Alain Schneider, président de l'association des médecins genevois (AMG), s'attend de son côté à une diminution de l'ordre de 5% du nombre de patients. La baisse pourrait même être moindre, car certaines personnes continueront à se rendre chez leur médecin à leurs frais pour les petits bobos, est persuadé le praticien.
En France voisine, également, le changement de régime aura des conséquences importantes. Pour les traitements lourds, les patients devront aller à Lyon ou à Grenoble. Alors que le réseau hospitalier en Haute-Savoie se densifie et évolue favorablement, la situation est très différente pour le Pays de Gex.
Cette région est "un désert hospitalier", a souligné M.Besson. L'accès aux soins de proximité constituera également un problème. Le temps d'attente pour obtenir un rendez-vous risquera d'être extrêmement long. Aujourd'hui, les médecins de France voisine disent déjà qu'ils ne prennent plus de nouveaux patients.
Le GTE va tenter d'obtenir du gouvernement français qu'il offre à nouveau aux frontaliers la possibilité de choisir entre les systèmes suisse et français. "Nous devrions être reçus mi-janvier", a relevé M. Besson, qui émet toutefois des doutes quant à un revirement des autorités. A Genève, le nouveau conseiller d'Etat en charge de la Santé, Mauro Poggia, a demandé l'aide de Berne sur ce dossier.
Rapatriement envisagé
Face aux complications qui se dessinent, certains frontaliers helvètes propriétaires en France songent à revenir en Suisse. "Les gens qui ont fait le choix du système français d'assurance viennent se renseigner et se sentent floués", a indiqué un responsable d'une agence immobilière de Veigy Foncenex, en Haute-Savoie.
D'autres personnes envisagent de contourner les lois en se domiciliant fictivement en Suisse pendant quelques mois pour avoir ensuite la possibilité, en tant que nouveau frontalier, de choisir entre la Lamal et la Sécu. Pour le maire de Ferney-Voltaire François Meylan, la loi mise en place est une incitation à la fraude.
L'élu a dénoncé l'immobilisme de la France dans ce dossier. Selon lui, rien n'a été fait, alors que le changement a été annoncé voilà six ans. Le canton de Genève était prêt à accueillir les patients frontaliers, mais la discussion n'a jamais eu lieu, a regretté M.Meylan.
Pour le maire, l'heure va être au bricolage. Les gens vont se débrouiller comme ils peuvent pour se faire soigner en Suisse et éviter de devoir aller à Annecy ou à Nangy, en Haute-Savoie. M.Meylan ne croit pas que l'Etat français va s'engager dans une chasse aux fraudeurs.
ATS, 03 janvier 2014
