Un chimiste bâlois au carrefour de la chimie et de la biologie


BERNE/BALE -  Le chimiste Karl Gademann, de l'Université de Bâle, est le lauréat du Prix Latsis national 2011, doté de 100'000 francs. Ce professeur de 39 ans oeuvre au carrefour de la chimie et de la biologie, recherchant auprès d'algues ou de champignons des molécules actives contre l'Alzheimer, par exemple.

Karl Gademann fait figure de "citoyen du monde" en matière scientifique et le travail interdisciplinaire semble chez lui une propension naturelle, a indiqué mardi le Fonds national suisse (FNS) dans un communiqué. Chimiste organique de formation, il fait des incursions dans la science des matériaux, la pharmacologie ou la biologie.

Établissant des liens surprenants, il s'intéresse aux molécules bioactives, d'origine animale ou végétale, et en particulier à leur rôle écologique, tentant de comprendre la raison pour laquelle elles sont produites par les organismes.

Algues bleues et Alzheimer

Il a par exemple observé qu'un type d'algues bleues parvenait à se défendre contre l'invasion d'autres algues, ce qui l'a incité à rechercher dans ce micro-organisme de nouveaux principes actifs contre la malaria. Les algicides découverts pourraient s'avérer efficaces, étant donné qu'au fil de son évolution, l'agent pathogène du paludisme a intégré certains composants des algues et présente ainsi un talon d'Achille négligé jusqu'ici.

Les algues bleues s'arment également contre la voracité d'insectes ou de crabes. Lorsque ceux-ci les mangent, ils souffrent de tremblements, paralysie et autres troubles du système nerveux, a expliqué le chercheur à l'ats. Le scientifique a alors établi une association avec les maladies dégénératives, notamment Alzheimer ou Parkinson. Et de fait, les algues bleues contiennent une substance qui agit contre un enzyme associé à l'apparition de la maladie d'Alzheimer.

Au cours de ses observations dans la nature, M. Gademann a fait d'autres trouvailles: son groupe a isolé et synthétisé des substances produites par des champignons qui accélèrent la croissance des appendices reliant les neurones entre eux. Ces molécules pourraient aussi être utiles contre l'Alzheimer ou le Parkinson, a précisé le Pr Gademann.

Dans le cadre de nouveaux projets, le chercheur examine d'anciennes plantes médicinales indiennes et chinoises qui présentent le même effet stimulateur de croissance. Mais le chemin jusqu'à un médicament commercialisable sera encore long, souligne le FNS.

Elégance et simplicité

Autre spécialité de Karl Gademann: la création de matériaux bioactifs, consistant à ancrer des substances naturelles sur des supports anorganiques, notamment le titane ou le verre. Ici, comme dans la reconstitution de molécules organiques complexes en laboratoire, l'objectif est de trouver un moyen aussi simple et élégant que possible pour synthétiser les produits finaux.

Sur ce terrain, Karl Gademann avait fait l'objet d'une grande attention dès sa thèse à l'EPF de Zurich. Il avait réussi à produire chimiquement pour la première fois l'anachéline, une molécule de transport du fer.

C'est ce qui lui a valu, à 34 ans, un poste de professeur assistant à l'EPF de Lausanne, où il fonda le laboratoire de synthèse chimique en 2006. De retour à l'université de Bâle en 2010, il y occupe depuis le poste de professeur extraordinaire de chimie organique.

Le prix Latsis national est une des distinctions scientifiques les plus importantes en Suisse. Sur mandat de la fondation Latsis, le FNS le décerne à de jeunes chercheurs d'au maximum 40 ans en récompense de travaux scientifiques remarquables menés en Suisse. La remise du prix aura lieu le 12 janvier 2012 au Rathaus de Berne.

Il existe également quatre autres Prix Latsis universitaires dotés de 25'000 francs chacun (décernés par les Universités de Genève et de St-Gall, par l'EPFZ et l'EPFL), ainsi qu'un Prix Latsis européen de 100'000 francs. Le Pr Gademann avait déjà reçu en 2004 celui de l'EPFZ.

ATS, 30 août 2011

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