Des pharmaciens avec un plus grand rôle dans les soins réduisent de nouvelles visites à l’hôpital


ARTICLE POUR PROFESSIONNELS 
Domaine : étude scientifique

LOS ANGELESUne étude américaine récente réalisée par l’Université du Sud de la Californie (University of Southern California) va dans le sens d’un impact positif du travail du pharmacien en montrant un rôle préventif important dans le système de santé.

Selon ce travail de recherche, les pharmaciens qui ont reçu un rôle élargi dans la surveillance des patients peuvent réduire la probabilité que des patients à haut risque retournent à l’hôpital. A l’heure ou à la veille d’un manque de médecins aux Etats-Unis, faire appel aux pharmaciens pour certaines tâches permettrait de réduire certains coûts.

Mais qui va payer ?

« C’est la dernière étude qui a montré qu’augmenter le rôle du pharmacien pourrait aider les patients ainsi que permettre des économies aux systèmes de santé, » relève l’un des auteurs le Prof. Jeffrey McCombs qui est notamment professeur associé à l’Ecole de Pharmacie de l’Université du Sud de la Californie (USC School of Pharmacy). Il poursuit en s’interrogeant : « Les preuves sont claires que les pharmaciens communautaires (en anglais : community-based pharmacists) peuvent réduire les coûts de la santé. Mais la question est : qui va payer pour le rôle élargi du pharmacien lorsqu’il délivre les médicaments derrière le comptoir ? ».

Le programme testé dans un hôpital à Bakersfield en Californie (Kern Health Systems in Bakersfield) a autorisé les pharmaciens avec un système de santé (Synergy Pharmacy Solutions) de superviser la transition d’environ 1'100 patients de Medicaid qui ont quitté l'hôpital d'avril 2013 à mars 2015. Medicaid est un programme qui a pour but de fournir une assurance maladie aux individus et aux familles à faible revenu et ressource.

Diminution d’environ 30%

Les chercheurs ont découvert que ce programme de transition avec des pharmaciens a permis de réduire le taux de réadmission à 30 jours de 28% dans l’hôpital de Bakersfield. Le taux de réadmission à 180 jours était aussi réduit de 32%.

Pharmaciens pour soins primaires

Pendant les premiers 30 jours après la sortie de l’hôpital, les pharmaciens de Synergy ont conseillé aux patients de bien prendre les médicaments prescrits puis ont pris pour suivre les patients plusieurs rendez-vous. Les pharmaciens ont aussi aidé les patients qui avaient besoin d’un spécialiste et ont organisé les déplacements pour leurs différents rendez-vous. De plus, ils ont travaillé avec la pharmacie locale de chaque patient pour répondre ou prendre en compte des questions à propos de leur assurance maladie.

Patients à haut risque

Les patients identifiés avec un risqué élevé à l’hôpital Kern Health Sytems avaient dans leur historique un besoin élevé en soins médicaux, recevaient 5 ou plus médicaments sur ordonnance et avaient été admis à l’hôpital pendant les 45 derniers jours. La plupart des patients pris en compte dans cette étude étaient âgés de 45 ans ou plus.

Etude en détail

Pendant la période de 30 jours après la sortie de l’hôpital, les chercheurs ont suivi les progrès de 830 patients qui étaient à haut risque et qui ont reçu les soins additionnels du pharmacien. Ils ont comparé ces patients à un groupe de contrôle de 1'005 patients qui n’étaient pas à risque et qui ont été libéré d’hôpitaux proche du Kern Health Systems. Les patients qui étaient les plus à risque de réadmission 30 jours après leur sortie étaient ceux souffrant de maladies cardiaques, de maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), de cancers, de maladies digestives et d'infections. Parmi les patients à risque on comptait aussi ceux recevant des médicaments contre l’épilepsie, des compléments alimentaires et ceux sous dialyse.

Les patients qui présentaient le plus grand risqué de réadmission 6 mois après la sortie incluaient ceux ayant été hospitalisés par  le passé, souffraient de MPOC, d’infections, de maladies parasitaires, de diabète et de troubles sanguins. Pour la réadmission à 6 mois, les chercheurs ont pris en compte 558 patients du groupe à haut risque pour déterminer si les l’intervention du pharmacien aurait un effet à long terme.

Après avoir appliqué une méthode statistique alternative pour ajuster les données démographiques et cliniques, les chercheurs ont constaté que les patients dans le programme de transition de soins à l’hôpital (Kern Family Health Care) avaient un risque 25% inférieur de réadmission hospitalière par rapport aux patients recevant des soins habituels.

Remplir le vide, la situation américaine

En 2025, les Etats-Unis vont connaître un manque de médecins de premier recours (en anglais primary care physicians) qui pourrait être compris entre 14'900 et 35'600 médecins, selon des estimations de l’Association of American Medical Colleges. Le manque de médecins spécialistes pourrait être compris entre 37'400 et 60'300. Comme en Europe et en Suisse, les régions rurales seront particulièrement touchées. 

Programme pour pharmaciens

Au moins 4 états américains – Californie, Montana, Nouveau Mexique et Caroline du Nord – ont créé un programme appelé « pratique avancée de la pharmacie » pour augmenter les responsabilités du pharmacien au-delà de la délivrance de médicaments sur ordonnance, selon le National Governors Association. Grâce à ce programme les pharmaciens peuvent délivrer des soins directs de premier recours aux patients. Néanmoins, son extension varie d’un état à l’autre.

« Les pharmaciens sont dans une position de remplir beaucoup de vides dans le système de soins, mais nous sommes en situation de « wait-an-see » pour la mise en place de ces pratiques augmentées », explique la co-auteur de l’étude Dannielle Colayco, étudiante à la USC School of Pharmacy.

En mars 2017, le gouvernement fédéral américain ne reconnaît pas le pharmacien comme fournisseur de soins. L’association de pharmaciens américains (American Pharmacists Association) aimerait changer la loi pour augmenter l’influence du pharmacien dans les soins de santé.

Le Prof. McCombs estime que les politiciens devraient mettre au point un système de payement qui incite le pharmacien à fournir des soins tout en garantissant aux assurés une garantie de soins de qualité. Il relève que le Kaiser Permanente, une très grande structure de soins basée à Oakland (CA), opère déjà avec ses propres pharmaciens et a pu constater une valeur ajoutée en termes de services cliniques et dans la supervision des soins aux patients ainsi que de la médication chronique.

Le Prof. McCombs conclut son long communiqué : « Où est l’endroit le plus facile pour se rendre chez un professionnel des soins ? Une pharmacie. Le pharmacien derrière son comptoir en sait pas mal pour nous maintenir en bonne santé. » 

Ce travail de recherche a été publié le 15 mars 2017 dans le journal scientifique American Journal of Managed Care. L’étude a été conduite par plusieurs institutions et structures de santé : Komoto FoundationSynergy Pharmacy Solutions et Kern Health Systems.

Le 24 mars 2017. Par Xavier Gruffat (Pharmacien). Source : Communiqué de presse de l’étude. Remarque : une ancienne version de cette news faisait référence à la politique suisse, à cause de la grande complexité du système suisse et de chiffres parfois contradictoires, les paragraphes concernant la politique suisse ont été retiré. 

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