Etude de l'EPFL : des additifs de pneus sur les fruits et légumes


LAUSANNE - Les additifs de pneus sont transférés dans la chaîne alimentaire, indique une étude menée par l’EPFL et l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV). Ses résultats montrent que 31% des échantillons contiennent des traces de ces substances. Des recherches complémentaires doivent en établir la toxicité sur la santé humaine.

Des traces d’additifs typiquement utilisés dans la fabrication de pneus ont été détectées dans toutes les catégories de fruits et légumes les plus couramment consommés en Suisse, selon l'étude de l'EPFL et de l'OSAV parue dans le Journal of Hazardous Materials. Les scientifiques ignorent à ce stade les conséquences à long terme de cette exposition sur la santé humaine. Des études complémentaires devront le préciser, relève l'EPFL mardi dans un communiqué.


Article dans K-Tipp

Cette recherche fait suite à la citation en août 2023 de deux études autrichiennes montrant la présence de ces additifs sur les légumes feuillus dans le magazine alémanique K-Tipp. Après cette parution, qui a fait grand bruit, l’OSAV a contacté le chercheur Florian Breider, directeur du Laboratoire Central Environnemental (GR-CEL) à l’EPFL, afin d’investiguer cette question en Suisse en prenant en compte une plus large gamme de légumes.

"Nous avons construit ensemble cette étude, en prélevant une centaine de fruits et légumes parmi les plus consommés en Suisse dans neuf distributeurs représentatifs, allant de grandes enseignes aux marchés bios et aux petites épiceries de quartier", explique Florian Breider.

Les bios aussi

Grâce aux statistiques de consommation de l’OSAV, l’étude a permis d’établir un taux d’exposition journalier théorique à ces molécules par ingestion. Résultat: 31% des échantillons contiennent des traces de ces substances, dont la 6PPD et de la 6PPD-quinone.

Et ce, peu importe la provenance des fruits et légumes et qu’ils soient bio ou pas. "Le régime alimentaire étant globalement le même dans toute l’Europe de l’Ouest, on peut imaginer que ces chiffres sont représentatifs de l’exposition à ces particules dans les pays voisins", indique Florian Breider.

Seules des études sur des rongeurs ont permis d’établir à ce jour la toxicité des additifs de pneus sur les mammifères, en particulier la DPG, la 6PPD et la 6PPD-quinone. Avec comme résultats une baisse de la fertilité des mâles et la survenue d’effets neurotoxiques et neuro-inflammatoires. Le seuil critique pour l’être humain n’est lui pas encore connu.

"Nous ignorons comment ces molécules sont métabolisées par le corps humain, il faut donc s’y intéresser, car nous y sommes toutes et tous exposés et probablement en particulier certaines catégories de la population, comme les ouvriers de la route", souligne Florian Breider. Pour en savoir plus, des laboratoires chinois mènent actuellement des études approfondies sur sa population en analysant la présence de ces substances dans le sang et l’urine. A l’EPFL, le GR-CEL compte bien s’y atteler dans les prochains mois.

Inhalation et ingestion

L’exposition aux additifs de pneus provient de leur usure sur la chaussée. Les pneus contiennent des additifs tels que des antioxydants et des agents vulcanisants, dont la toxicité est encore méconnue. Ces particules se propagent dans l’atmosphère, se déposent sur les sols ou sont transportées par les eaux de ruissellement. Les humains y sont exposés autant par l'inhalation que l'ingestion d'aliments.

Selon une étude de 2017, environ 6 millions de tonnes de ces additifs sont relâchés dans l’environnement chaque année. Une autre analyse effectuée en 2023 relève que l’exposition n’épargne pas les zones rurales, car la fréquence du trafic routier n’est pas significative. Une étude en cours de l’EPFL a même montré qu’on retrouvait ces composants dans les lacs alpins. L'exposition peut donc être comparée à celles d’autres micropolluants.

Pour éviter le transfert de la route vers l’environnement, des études visant à dépolluer des routes sont actuellement en cours en Suisse. Plusieurs études ont montré que la conduite agressive, avec des accélérations et freinages brutaux, aggravait l’usure des pneus et donc le transfert de ces particules vers l’atmosphère, les sols et les eaux de surface.

Le 6 mai 2025. Sources : Keystone-ATS. Crédits photos: Adobe Stock, Pixabay ou Pharmanetis Sàrl (Creapharma.ch).

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