Remplacer le Lipitor, un problème à 100 milliards pour Pfizer
NEW YORK - Alors que le brevet de son médicament star Lipitor expire à la fin du mois, le numéro un mondial du médicament Pfizer fait face à la tâche difficile de remplacer les quelques 100 milliards de dollars de ventes que cet anti-cholestérol lui a rapportés depuis sa création en 1997.
Pendant les six premiers mois suivant l'expiration du brevet, deux fabricants devraient lancer un générique: l'américain Watson, et l'indien Ranbaxy, filiale du japonais Daiichi Sankyo. Ranbaxy doit toutefois encore obtenir un feu vert des autorités américaines, retardé par des problèmes de qualité décelés dans ses usines en Inde.
A partir de juin, les autorisations de mise sur le marché se multiplieront et de nombreuses autres versions génériques devraient voir le jour. Les ventes de Lipitor, le médicament le plus vendu au monde - plus de dix milliards de dollars par an, soit 15% du chiffre d'affaires de Pfizer - devraient rapidement migrer vers les premiers génériques lancés. A partir de juin, elle devraient se réduire comme une peau de chagrin, alors que le prix de vente et les marges vont inéluctablement chuter.
Le groupe ne communique pas de prévisions de pertes de ventes sur le médicament mais il s'attend à ce que son chiffre d'affaires 2012 atteigne entre 63 et 65,5 milliards de dollars, contre 67,8 milliards de dollars en 2010.
Damien Conover, analyste de Morningstar, table sur une fonte des ventes du Lipitor à 3,8 milliards de dollars en 2012, et encore moins par la suite. Les ventes américaines du Lipitor "devraient totalement disparaître fin 2012" des comptes de Pfizer, renchérit l'agence de notation Standard and Poor's.
Pfizer a déjà perdu l'exclusivité sur ce produit au Canada, en Espagne, au Mexique et au Brésil l'an dernier. L'anti-cholestérol devrait toutefois continuer à rapporter des revenus dans les pays émergents.
Pfizer se défend
Aux Etats-Unis, le géant pharmaceutique n'est pas encore décidé à jeter l'éponge et veut défendre ses parts de marché en coupant l'herbe sous le pied de ses concurrents.
En s'alliant à des sociétés de pharmacie et d'assurance médicale, il va "offrir le Lipitor au prix ou en-dessous du prix des génériques pendant" les six mois à venir, explique MacKay Jimeson, porte-parole de Pfizer.
Alors que Lipitor coûte actuellement autour de 120 dollars par mois, il devrait baisser son prix de 30% le mois prochain, soit davantage que les 10 à 20% de baisse de prix habituellement pratiquées par les fabricants de génériques à l'expiration d'un brevet.
Pfizer s'est notamment allié à Diplomat Specialty Pharmacy, une société de pharmacie du Michigan, dans le nord des Etats-Unis, pour créer le programme "Lipitorforyou", accessible par un site internet éponyme.
Il est encore trop tôt pour savoir si cette démarche sera poursuivie au-delà des six premiers mois. Pfizer peut décider de continuer à concurrencer les génériques mais il devra abaisser encore considérablement ses prix et ses marges et il n'est pas certain que cela s'avère rentable.
Accords de licence
Pfizer compte notamment sur des accords de licence pour continuer à générer des recettes liées au Lipitor, comme celui qu'il a signé avec le français Sanofi-Aventis, qui fabriquera et commercialisera sa version générique, l'atorvastatine-Tahor en France à partir du 7 mai 2012. Il peut aussi vendre le droit de distribuer un générique "maison".
Mais pour M. Conover, ces recettes annexes devraient également fondre au fur et à mesure que de nouveaux concurrents émergeront. "Je ne pense pas qu'ils pourront remplacer à court terme" le Lipitor et ses dix milliards par an, estime l'analyste, qui se dit optimiste à plus long terme pour les médicaments en développement du groupe.
Il cite en particulier l'eliquis (anti-thrombose veineuse) ou le tofacitinib (contre l'arthrose), qui tous deux ont le potentiel de dépasser le milliard de dollars de ventes par an.
SP juge également que le groupe a les reins assez solides pour "affronter la tempête de l'expiration des brevets et la perte de revenus associée tout en maintenant un bon profil de risque et financier".
ATS, 24 novembre 2011