Servier pose ses conditions pour indemniser
PARIS - Le groupe pharmaceutique français Servier a annoncé mercredi qu'il acceptait d'indemniser les patients ayant pris du Mediator s'ils renonçaient à toute action judiciaire à son encontre. Ce médicament controversé aurait fait de 500 à 2000 morts en France.
Dans un communiqué, Servier confirme la mise en place d'un fonds d'indemnisation doté dans un premier temps de 20 millions d'euros (26 millions de francs) et ouvert à tous les patients. "Les personnes qui auront de manière facultative décidé de bénéficier de ce fonds renonceront à toute action judiciaire", précise cependant le texte.
Servier avait annoncé la création du fonds d'indemnisation début février. Il doit encore obtenir le feu vert des ministères de la Santé et de la Justice. Les indemnisations seront soumises à des expertises judiciaires, qui sont de plus en plus mises en cause par les victimes.
"Chantage"
C'est du chantage, ont répondu les défenseurs des victimes du Mediator, tout en soulignant qu'avec cette proposition le deuxième laboratoire français reconnaissait sa responsabilité dans le scandale de santé publique.
Dominique-Michel Courtois, président de l'Association des victimes du Mediator, estime qu'avec cette "manoeuvre", Servier reconnaît le lien entre le Mediator et les maladies cardiaques dont souffrent les patients.
"Il y a beaucoup de personnes qui ont des valvulopathies graves. Si on leur propose de l'argent rapidement (...) alors qu'ils lisent partout que ça va durer des années, une grande partie risque d'accepter cette proposition", a-t-il déclaré sur France Inter.
"Par souci d'équité"
Servier tente de sauver les meubles, juge de son côté le député socialiste Gérard Bapt, qui préside la mission d'information sur le Mediator à l'Assemblée. Il a rappelé que la proposition "assez perverse" du laboratoire tombait à la veille d'une réunion du comité de suivi du Mediator, avec le ministre de la Santé, les associations de victimes et les agences sanitaires.
Selon le rapport remis à la mi-janvier par l'Inspection des Affaires sociales (Igas), Servier a commercialisé pendant plus de trente ans en France le Mediator comme un antidiabétique alors qu'il s'agissait d'un puissant coupe-faim dont il connaissait la dangerosité.
On estime que cinq millions de personnes ont pris du Mediator en France entre 1976 et 2009, date de son retrait du marché. Selon deux études, il a fait entre 500 et 2000 morts.
Deux informations judiciaires contre X ont été ouvertes à Paris, pour "tromperie aggravée" et "blessures et homicides involontaires".
Une autre procédure avait été lancée auparavant devant le tribunal de Nanterre. Mi-mars, selon son président, l'Avim déposera 500 plaintes supplémentaires pour blessures et homicides involontaires, ainsi que 50 plaintes de plus pour tromperie.
Source : ATS 09.03.2011