Procrastination, parfois très utile pour prendre de bonnes décisions et être créatif


ARTICLE POUR PROFESSIONNELS 
Domaine : ressource humaine
Mots-clés
: prise de décision, procrastination, créativité
Niveau de difficulté de l’article : moyenne (sur 3 niveaux : facile, moyenne et difficile)

NEW YORK – Probablement vous êtes comme beaucoup de personnes à la première lecture du mot procrastination, mais qu’est-ce que ce terme barbare peut bien signifier ? Il s’agit d’un jargon psychologique qui signifie tout simplement :  "tendance à remettre systématiquement au lendemain des actions." Rappelez-vous quand vous étiez sur les bancs de l’université et que vous deviez rendre un rapport à une date précise, qui n’a jamais travaillé le soir d’avant voire au petit matin avant de remettre le travail final ? On a tous été à un moment de notre vie dans cette situation.
Aux Etats-Unis, on estime qu’environ 20% des adultes sont des "procrastinateurs chroniques". Steve Jobs, l’ancien célèbre patron d’Apple, était connu pour être une de ces personnalités qui attendaient le dernier moment pour prendre la (bonne) décision.

Sur le papier néanmoins, ce terme a une connotation plutôt négative, peut-être surtout pour nous pharmaciens avec un background scientifique.

Même si pour certains d’entre nous la procrastination faisait partie de notre vie d’étudiant, probablement une majorité a appris en tout cas avec l’âge d’éviter de remettre au dernier moment les tâches à faire, en particulier à la pharmacie. Pour les gérants d'officine, ce sont probablement des exigences de la direction et pour les propriétaires de pharmacie, c’est une façon de montrer le sérieux aux clients et au personnel.

Oui, mais une étude scientifique a montré que parfois prendre son temps et même jusqu’au dernier moment présente de grands avantages pour la prise de décision et la créativité.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, on peut préciser que l’opposé de la procrastination est la rapidité pour ne pas dire parfois la précipitation. En psychologie, on parle aussi de "précrastination" (en anglais pre-crastination).
Le grand risque avec ce type de personnalité, fréquente dans le domaine scientifique, est que pour résoudre des problèmes complexes on est tout simplement moins performant qu’une personnalité de type "procrastination". Pour résoudre une équation mathématique, le plus rapide sera le mieux mais pas pour d'autres tâches ou décisions.

Par exemple lorsqu’il s’agit de se prononcer sur un employé qui fait mal son travail, savoir si une pharmacie doit rentrer dans un groupement, si la pharmacie doit être vendue ou non, etc. Ce genre de décisions complexes nécessite du temps, beaucoup de temps. 

« J’ai appris la procrastination »

Dans un éditorial du New York Times publié le dimanche 16 janvier 2016 qui a fait grand bruit en générant plus de 150 commentaires, le Professeur Adam Grant de la célèbre Wharton School affirme qu’avec le temps il a appris la procrastination, lui qui souffrait plutôt de "précrastination".

Ce professeur de management et de psychologie (voir article en anglais ici) relève qu’il avait une tendance naturelle à toujours être rapide et rendre ses copies ou articles le plus vite possible.

Désormais sa nouvelle résolution pour 2016 est de devenir au contraire davantage une personnalité de type "procrastination", en tout cas dans certaines situations.

Etude scientifique - "La nuit porte conseil"

Le prof. Grant et son équipe ont réalisé une petite étude à ce sujet, ils ont demandé à différents managers de trouver de nouvelles idées pour leur entreprise. Une partie des managers a commencé à chercher des idées directement et une autre partie devait se "procrastiner" pendant 5 minutes en jouant par exemple au jeu du Solitaire avant de commencer à produire des idées. Résultat, les managers qui ont attendu 5 minutes étaient 28% plus créatifs que ceux qui ont commencé de suite. L’évaluation des idées a été réalisée par un panel d’experts indépendants.
Il faut relever que ceux qui devaient patienter 5 minutes étaient informés au tout début qu’ils devaient trouver des idées pour leur entreprise, donc avant de jouer au Solitaire (ou un autre jeu appelé Minesweeper) et pas après.
Par contre dans une autre expérience non précisée en détail dans l’article du New York Times, si les chercheurs informaient les managers au dernier moment pour trouver des idées, ils n’étaient pas plus créatifs.
Conclusion, l’important est bien le laps de temps qui sépare la réception de la tâche et sa réalisation complète. Plus trivialement, la preuve de la justesse de la célèbre expression : "La nuit porte conseil.". On pourrait même reformuler en utilisant un pluriel: "Les nuits portent conseils." 

Oui, mais attention ? Application à la pharmacie

Comme on l’a vu dans l’expérience, pour bien utiliser le concept de procrastination, il ne faut pas être flemmard. Cela signifie que si vous devez par exemple prendre une décision difficile sur un employé (dois-je le licencier, le coacher davantage, lui donner d’autres tâches pour le motiver) et que vous vous donnez par exemple 2 mois pour faire votre choix, ces 2 mois dans son entier sont cruciaux. Remarquons que si vous réfléchissez à ce sujet quelques heures avant la date butoir, vous avez plus de risque de prendre une mauvaise décision qu'utiliser toute la période à disposition.

Concrètement, il s’agira pour profiter pleinement du concept de procrastination de définir une date pour prendre la décision et de commencer au plus vite à réfléchir à ce sujet puis de vous laisser le temps total de la réflexion (ici 2 mois), même si vous estimez avoir l'idée déjà 2 jours après, laissez votre idée en "jachère" quelques semaines et ne vous précipitez pas. Avec le temps vous pourrez trouver de nouvelles alternatives à votre idée de base. 

Remarque finale

Attention, l’auteur de l’article du New York Time relève que la procrastination est souvent un vrai danger pour la productivité. Il mentionne son importance pour la créativité et la prise de décision. Comme souvent en management, un patron ou manager devra donc alterner entre plusieurs personnalités pour s’adapter à chaque situation. Etre plutôt en mode pré-crastrination pour les cas simples notamment avec les clients et en mode procrastrination pour des décisions difficile de stratégie ou de gestion du personnel (RH).
La preuve que le management est probablement davantage un art qu’une science et que les "robots managers" ne sont pas pour demain, malgré une automatisation croissante dans le monde occidental.

La photo du haut doit donc être corrigée ainsi:

Le 4 février 2016. Par Xavier Gruffat - pharmacien/MBA - co-fondateur de Pharmapro.ch. Sources : Article du New York Times paru le 16 janvier 2016 (voir référence ici), Wikipedia.org (en français, site consulté le 3 février 2016). Photo: Fotolia.com

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