Café brûlant et caresses: un Nobel pour mieux comprendre le toucher

Par Julien Dury, AFP


PARIS - La chaleur d'une tasse de café, la caresse d'un vêtement sur la peau... Comment fonctionnent ces sensations omniprésentes? Grâce aux deux lauréats du Nobel 2021 de médecine, on comprend mieux ces phénomènes, avec des promesses considérables pour lutter contre la douleur.

Expliquer "des sensations courantes mais énigmatiques", c'est le sens de la principale découverte de l'un de ces deux chercheurs, l'américain David Julius, selon ses propres termes dans une interview de 2020 au magazine BrainFacts.

Concrètement, M. Julius a établi par quels mécanismes un piment fort nous donne une impression de chaleur. L'intérêt n'est pas seulement gastronomique, c'est de mieux saisir comment nous ressentons les températures.

Certes, on connaissait depuis des décennies le rôle des cellules nerveuses dans la perception des températures et dans le sens du toucher. Mais on ignorait comment ces cellules fonctionnaient pour repérer ces sensations et les transmettre au cerveau.

Les recherches de M. Julius et de son compatriote Ardem Patapoutian, l'autre lauréat, ont donc permis de répondre à une grande question: "Comment les stimuli mécaniques et de température sont convertis en impulsions électriques dans notre système nerveux ?", résume le comité Nobel dans un communiqué.

Le toucher, un mystère

Par contraste, on comprenait déjà bien comment les cellules nerveuses contribuent à la vue et à l'odorat. Le toucher, lui, restait un mystère.

En travaillant sur les piments - plus précisément la capsaïcine, le composant qui provoque l'impression de brûlure -, M. Julius a découvert l'une des principales molécules qui s'active face à la chaleur dans les terminaisons nerveuses.

Cette découverte, qui date de 1997, a permis de bien mieux comprendre comment nous ressentons les températures. Mais il restait encore à expliquer le toucher, ou plus largement la "mécano-sensation" par laquelle nous percevons par exemple une pression sur notre peau.

Travail de fourmi

C'est l'apport principal de M. Patapoutian, qui avait déjà travaillé sur la perception de la température. En 2010, son équipe a pour la première fois isolé deux molécules qui jouent un rôle dans la perception de ces stimuli mécaniques.

Pour les trouver, il a fallu mener un travail de fourmi. Pendant près d'un an, l'équipe a observé des cellules de souris auxquelles elle retirait une protéine, puis l'autre. A chaque fois, les chercheurs exerçaient une pression physique sur la cellule, qui répondait par une décharge électrique.

Jusqu'au jour où une cellule n'a pas répondu. La coupable, c'était donc la protéine manquante et le gène qui encode sa production par la cellule.

Les chercheurs ont baptisé cette protéine "Piezo", le mot grec pour "pression", et ont vite découvert une molécule-soeur, Piezo 2, au rôle plus avéré dans le toucher.

Nombreuses questions

Autant les recherches de M. Julius avaient fait bondir les connaissances sur la perception de la température, autant "pour la mécano-sensation, c'est la découverte des gènes Piezo qui a fait exploser ce champ de recherche", résume à l'AFP le Français Bertrand Coste, qui a contribué à la découverte de ces protéines sous l'égide de M. Patapoutian.

"C'est la première fois qu'on identifiait ces gènes-là et pour les chercheurs c'est crucial: quand on connaît le gène, on peut mettre en place tout un nombre d'outils qui vont permettre de mieux comprendre le toucher", détaille-t-il.

Il reste de nombreuses questions quant à ces protéines. On ne sait pas exactement comment elles jouent leur rôle de transmission, même si leur structure - très complexe - est désormais bien connue et devrait aider à comprendre leur fonctionnement précis.

Maladies rares

Mais ces découvertes ont déjà un intérêt concret car elles ouvrent la voie à des traitements pour certaines pathologies, par exemple des maladies rares dans lesquelles le patient n'a pas conscience de ses propres membres.

L'intérêt thérapeutique sera toutefois bien supérieur si l'on parvient à réaliser une nouvelle avancée: faire la même chose pour la douleur que pour la température et le sens du toucher.

"Clairement, la prochaine étape, c'est d'identifier les canaux (...) qui sont responsables de la détection des stimulations mécaniques qui provoquent de la douleur", juge M. Coste, qui mène des recherches en ce sens.

"L'identification de telles protéines, ça serait des cibles thérapeutiques fantastiques (...) dans le cadre de douleurs chroniques ou inflammatoires", conclut-il.

Le 04 octobre 2021. Sources : Keystone-ATS. Crédits photos: Adobe Stock, Pixabay ou Pharmanetis Sàrl (Creapharma.ch).

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